Boutique de centre-ville ou de périphérie, petit plateau de bureaux : découvrez les atouts et les risques des murs tertiaires.

L'enquête a été réalisée avant la crise sanitaire.

Un loyer rapportant jusqu'à 10% par an, pour un locataire fidèle durant des années, payant de sa poche la plupart des charges, et des procédures d'expulsion plutôt rapides en cas d'impayés… En comparaison de l'investissement dans l'immobilier résidentiel, l'achat de murs de commerces ou de petits bureaux ne manque pas de charme, même si le budget, à emplacement équivalent, est souvent supérieur. « Les biens tertiaires constituent de bonnes opérations pour les bailleurs à la recherche de stabilité sur le long terme », confirme Michel Simond, patron éponyme du réseau de conseil en cession de murs de boutiques. Mais faire ses emplettes parmi les quelque 840.000 murs de commerces recensés en France ne s'improvise pas. Pièges du bail, réévaluation du loyer, possibilité de déplafonner les baux… se faire assister d'un agent immobilier, ainsi que d'un avocat spécialisé, ne sera pas de trop. Tour d'horizon des chausse-trapes, comme des bons plans.

L'état de la réglementation

Autant le savoir d'emblée : si, comme c'est le plus fréquent, vous achetez un commerce avec un locataire déjà en place, il vous sera quasiment impossible de l'en déloger. « Et le contrat en cours s'impose à l'investisseur, qui ne pourra en changer les termes », complète Baptiste Robelin, avocat spécialisé. Un bail qui continuera à s'appliquer jusqu'au terme initialement prévu, même si votre locataire revend entre-temps son affaire. Le nouveau venu lui paiera en effet directement le droit au bail, sans que vous ayez votre mot à dire.

Et à la fin du bail, en général de neuf ans ? Le locataire bénéficie sur demande d'un droit au renouvellement, sauf à lui régler une indemnité d'éviction salée, puisqu'elle pourra inclure la valeur du fonds de commerce, les frais de déménagement, et jusqu'au coût de licenciement des employés.

On l'aura compris, mieux vaudra décortiquer chacune des clauses du bail commercial que vous vous apprêtez à reprendre avec les murs. Commencez par vérifier la destination du local. « Une clause autorisant tous les types de commerces est rédhibitoire », avertit l'avocate Inès Grison. Vous prendriez alors le risque de voir s'installer un locataire exerçant une activité que vous ne désirez pas. A l'inverse, privilégiez les contrats où les conditions de cession du bail par le locataire sont encadrées. « Certaines clauses permettent d'exiger des garanties de solvabilité de la part du repreneur du fonds de commerce, comme le business plan envisagé, ou ses comptes passés », détaille Baptiste Robelin.

Si le contrat est bien bordé, cela vous permettra même de facturer un droit d'entrée au nouveau locataire, s'il souhaite changer la destination du commerce ou réaliser des travaux. Enfin, vérifiez qu'une clause résolutoire, permettant de mettre rapidement fin au bail en cas d'impayés ou de travaux non autorisés, a été insérée. Dès qu'un ou deux incidents de paiement seront constatés, vous pourrez enclencher une procédure. « L'expulsion est alors plus facile à obtenir que pour un bail d'habitation », assure Baptiste Robelin. Une période de dix mois à un an devrait suffire.

Quant à la réévaluation du loyer, sachez que la plupart des contrats prévoient une révision triennale, suivant l'indice Insee des baux commerciaux (+2,5% pour le dernier publié). Seuls quelques contrats avec « clause d'échelle mobile » permettent une révision annuelle, calée sur ce même indice. Sachez par ailleurs que si l'essentiel des charges repose sur le locataire, y compris la taxe foncière, la loi met des limites, puisque les grosses réparations (toiture ou murs de soutènement), les frais de gestion de l'immeuble ou la contribution économique territoriale (CET) doivent être acquittés par le propriétaire. A noter : dans les rares cas d'achat d'un local vide de tout occupant, vous pourrez fixer librement le loyer, via un bail provisoire de dix-huit mois maximum qui, si tout va bien, sera transformé en bail commercial classique de neuf ans. Un « pas-de-porte » forfaitaire pourra aussi être facturé, en fonction de l'état du marché locatif.

Les bons plans

Le centre-ville, même dans les villes moyennes (ici, Dijon), reste une valeur sûre, avec un rendement de 5 à 7% pour un risque de vacance locative limité. Restera à sélectionner un locataire à l'abri de la concurrence d'Internet. Si les secteurs de l'habillement, haut de gamme mis à part, du jouet ou des chaussures n'ont plus la cote, ceux de la restauration rapide (tacos et autres spécialités), des petites surfaces alimentaires, des commerces de bouche spécialisés ou des boulangeries ont le vent en poupe.

Préférez si possible les boutiques d'angle, plus visibles et donc plus attractives. Ou celles disposant d'une grande vitrine, plutôt que d'une profondeur importante. Mais les murs les plus rentables restent ceux de périphérie, dans les zones commerciales d'un accès facile en voiture.

Si les grandes surfaces traditionnelles sont à la peine, les magasins Action ou GiFi, les activités de loisirs, de fitness (de type Basic-Fit), l'alimentaire spécialisé (Grand Frais) ou encore les salles de jeux (Laser Game) sont en revanche dynamiques. Pour ce type de biens, le rapport locatif avoisine les 10%, avec toutefois un risque de vacance élevé.

Un bon compromis, sinon, consiste à viser les petits bureaux, loués à des professions libérales (médecin, avocat, dentiste). Par exception, vous pourrez alors signer un bail professionnel de six ans, sans droit à renouvellement, et à revalorisation annuelle. De quoi porter la rentabilité à 9%. « Seul inconvénient : une rotation des locataires supérieure à celle des commerces» , prévient Jean-Jacques Cohen, président du réseau Procomm, dont le site Internet fournit des évaluations de loyer et de prix.

Quel que soit le type de surface visé, ne soyez pas trop gourmand. « Le taux d'effort demandé au commerçant ne doit pas dépasser 15% de son chiffre d'affaires », prévient Laurent Delautre, responsable de la stratégie d'investissement chez Mata Capital. Se contenter de 8 à 12% permettra de sécuriser l'opération.

Enfin, essayez d'anticiper l'avenir. « Les perspectives de fréquentation sont primordiales pour la rentabilité de l'opération », rappelle Philippe Maitre, agent immobilier Fnaim à Dijon. Si le quartier vient à changer, par exemple avec la création d'un arrêt de bus ou d'une station de métro, la rénovation d'une rue ou l'élargissement des trottoirs, vous pourrez en effet invoquer cette évolution des  » facteurs locaux de commercialité » pour solliciter, à l'échéance triennale, un déplafonnement du loyer. Il faudra toutefois que la hausse estimée soit supérieure à 10%, et celle-ci ne pourra pas dépasser 10%. De telles révisions font souvent l'objet de contentieux et d'expertises devant le tribunal judicaire (ex-TGI), pour des délais à prévoir d'un an. « Mieux vaudra trouver une solution à l'amiable avec le locataire », conseille Inès Grison.

Notre comparatif de 3 types d'investissement

(1) A Dijon, pour un budget d’achat de 380.000 euros, dont 30.000 euros de frais de notaire. (2) En fonction de l’utilité des mètres carrés pour l’activité commerciale. (3) Frais de gestion, contribution économique territoriale, etc.

Les SCPI de magasins, plus rentables que celles de bureaux

Principal avantage des 25 SCPI pariant à plus de 70% dans des murs de commerces : elles permettent de diversifier la mise sur des dizaines, voire des centaines d’adresses. Et donc, à l’inverse de l’investissement en direct, de diluer le risque. Ces fonds sont aussi, en moyenne, de 0,2 à 0,3 point plus rentables que ceux investis uniquement en murs de bureaux (4,48%, par exemple, en 2018, contre 4,18% pour la seconde catégorie). Ils offrent en revanche moins de potentiel à long terme, la revalorisation des murs étant plus faible (+ 0,09% en 2018, contre + 0,80% pour les murs de bureaux).

« Les estimations restent prudentes, car certains commerces pourraient souffrir de la concurrence, notamment d’Internet », souligne Jonathan Dhiver, fondateur de MeilleureSCPI.com. Raison de plus pour être sélectif en n’achetant que des SCPI au taux d’occupation d’au moins 90%, comme c’est le cas pour notre sélection proposée ci­-dessous. Mieux vaut enfin envisager l’opération sur quinze ans au minimum, afin d’amortir les frais de souscription, le plus souvent compris entre 9 et 12% TTC.

(1) Tenant compte de l’évolution de la valeur de part, ainsi que des loyers encaissés, sur la période 2009 à 2018. (2) Au 30.9.2019. (3) Part des loyers réellement encaissés rapportée aux loyers en théorie facturables.
Source : capital.fr

Investissement immobilier : Pensez aux commerces, c’est ultrarentable